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130 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

XVIII

Dans les bois, les fougères étaient couvertes de gelée, les ornières pleines de glace. Les cloches de la Toussaint avaient sonné. Gallois marchait. Machinalement il donnait un coup de bâton sur une fougère, un coup de talon sur la glace d'une ornière. Sa Juliette avait bien changé. Chaque matin il partait encore pour sa tournée, mais il allait moins vite, comme s'il eût vieilli d'avoir perdu de son insouciance. Il commençait à s'interroger. Pendant ces trois mois où c'était tout juste s'ils n'avaient pas fait chambre commune avec les Cougny, ne s'était-il rien passé entre Juliette et Ponceau ? Il lui avait dit, un matin :

— Tâche de ne pas me perdre ma Juliette. Ponceau avait répondu :

— Soyez tranquille ; on vous la ramènera en bon état. N'était-il pas déjà trop tard ?

Cougny était mort. Paix à ses cendres. Mais quelle idée de fréquenter ces Parisiens, Ponceau qui, tout-à- l'heure sur la place, lui avait à peine serré la main, Marcelle qui n'était même pas venue dire adieu à Juliette ? Car ils partaient ce matin, et certainement pour ne plus revenir. Bon voyage ! Ces amitiés-là, c'est ensuite que l'on sait ce qu'elles valent. Il avait dit souvent à Juliette :

— Quand on se plaît l'un à l'autre, on ne devrait même pas avoir besoin de passer par la mairie.

N'avait-il pas été un peu loin ? N'aurait-il pas mieux fait de la surveiller ? Sans doute il ne faut pas museler les jeunes gens, les empêcher de se fréquenter quand cela leur plaît. Je vois mon François avec sa Léontine : est-ce

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