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126 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

— Tu es encore en retard. Qu'est-ce que tu as donc fait ?

— Rien du tout, maman. Je suis revenue avec la Marie, comme d'habitude.

— Il faudra que j'aille au-devant de toi un de ces jours. Et je demanderai à M"* Clément à quelle heure elle vous fait partir.

Mais si elles avaient souci de la vertu de leurs filles, M""* Belin et M""" Rabeux pensaient aussi à leurs intérêts temporels. L'Agathe et la Marie ne gagnaient pas beau- coup, mais c'était mieux que rien. Et elles ne voulaient pas indisposer M"' Cément par de perpétuelles questions. De temps en temps une d'elles se dévouait, allait attendre les deux gamines, mais elles avaient le flair : ces soirs-là elles passaient par les Promenades. Elles aimaient mieux l'automne et l'hiver, à cause de la nuit qui vient vite et qui permet de s'en aller, par des chemins pourtant connus, comme à l'aventure dans un pays plein de dangers. Ce soir-là, bien que ni M™^ Belin ni M'" Rabeux ne dût venir au-devant d'elles, elles avaient eu l'idée de passer par les Promenades ; suivant leur habitude elles mar- chaient sur leurs chaussons, leurs légers sabots à la main, et se pinçant l'une l'autre, en pouffant de rire. La Marie regarda dans l'ombre et dit :

— Oui. C'est elle. Qu'est-ce qu'elle fait là, toute seule ?

Elles devinaient beaucoup de choses. D'ailleurs tout le monde ne parle pas à mots couverts devant les gamines, devant les jeunes filles. Belin et Rabeux, lorsqu'ils avaient un peu trop bu, disaient tout ce qui leur passait par la tête. C'est ainsi que souvent elles avaient entendu

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