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104 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

revenait si rarement au pays ! La jeune Mme Leclerc était mince et brune, un peu comme Mme Bernard, mais moins jolie, bien qu’elle fût d’une famille riche. Seulement de beaux chapeaux, des robes merveilleusement ajustées, l’usage du monde que l’on ne perd jamais, même en vivant chez les sauvages ou parmi une population de mineurs, la rendaient plus désirable que Mme Bernard en sabots et trayant ses vaches. En revanche elle ne pouvait s’habituer aux maisons composées d’une seule pièce où les poules entrent. Sur le seuil elle relevait toujours sa jupe et marchait sur la pointe de ses bottines en pinçant les lèvres. Mme Frébault eût jeté les hauts cris si elle avait vu Marcelle faire ainsi “sa sucrée”, mais Mme Leclerc, sa nièce, n’avait-elle pas le droit de vouloir ne point se salir ? Le Louis était un peu honteux d’habiter là, maintenant que sa cousine y venait. Sans doute, dans le Couisslan, n’avait-elle pas toujours à sa disposition des parquets cirés, mais quelquefois, en rentrant de l’étude, à midi ou le soir, il prenait le balai. Mme Frébault en était étonnée.

Frébault écoutait le cousin Leclerc. Frébault était un de ces hommes qui n’aiment pas se déplacer, et ne vont pas trois fois dans leur vie jusqu’au chef-lieu de canton voisin. Ils n’en aiment que davantage les récits des voyageurs, et sont toujours prêts à prendre des leçons d’astronomie.

Leclerc, ingénieur, n’était jamais à court ; Frébault l’écoutait religieusement, fier d’avoir un neveu qui sût tant de choses. Il parlait aussi de ces terres si fécondes qu’il y pousse de tout : café, tabac, blé, sucre, vigne. Frébault demandait :

— Est-ce qu’il y pousse aussi de l’eau-de-vie ?

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