Page:NRF 8.djvu/1072

Cette page n’a pas encore été corrigée

1064 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

faut à un Sainte-Beuve ce sont des talents à mi-côte, comme il disait. Là il est excellent. Les petites gens de Port-Royal, M. Lancelot, M. Lemaistre de Saci, voilà ses clients. Quand il aborde une grande figure comme celle d'un Saint-Cyran, il l'esquisse faiblement. " (Et Pascal ?) Il y a quelques années, M. Mirbeau se rendit à Vienne afin d'y promulguer ceci, que Napoléon, c'était un imbécile. Personne ne s'en est beaucoup frappé. Mais si un officier, français, brésilien ou chinois l'avait dit, il n'aurait plus trouvé de général assez imprudent pour lui confier un caporal et quatre hommes. M. Bertrand se doute-t-il qu'un critique qui tient de tels propos sur Sainte-Beuve ressemble à un romancier qui traiterait Flaubert en très petit garçon ?

Si Sainte-Beuve a comparé Salammbô aux Martyrs, son opinion mérite d'être pesée, et elle est en effet de poids. Je sais bien que Flaubert a protesté contre cette assimilation, et M. Bertrand reprend les raisons de Flaubert. Chateaubriand a créé des types idéaux, Flaubert des types réels, vivants, les figures de cette Afrique permanente que dégage si bien M. Bertrand. Tout cela est vrai. Mais, d'abord, dans la mesure où Salammbô peut faire sa partie dans notre tradition littéraire, Sainte-Beuve la classait à l'aide de ce qui l'avait précédée, alors que nous la classons, nous, plus commodément, à l'aide de ce qui l'a suivie. Cette indétermination, cette rêverie passagère, cette véhémence vide et large, que M. Bertrand met à juste titre au compte de la femme d'Orient, Sainte-Beuve n'était-il pas fondé à y retrouver quelque chose de Velleda ? " J'aurais été étonné, dit Eudore, de trouver dans une espèce de sauvage une connaissance appro- fondie des lettres grecques et de l'histoire de son pays, si je n'avais su que Velleda descendait de la famille de l'Archi- druide, et qu'elle avait été élevée par un sénani, pour être attachée à l'ordre savant des prêtres gaulois. L'orgueil domi- nait chez cette barbare, et l'exaltation de ses sentiments allait souvent jusqu'au désordre." Chateaubriand n'avait-il pas Sfenti, le premier, qu'un type étrange de femme donne à

�� �