Page:NRF 8.djvu/1071

Cette page n’a pas encore été corrigée

LA LITTÉRATURE I063

Sorbonne ", se défendit ensuite en disant que Sorbonne ne venait pas, ainsi qu'un peuple vain le pense, de Robert de Sorbon, chapelain de Saint-Louis, mais de Soror bona. A la bonne heure !

J'aime beaucoup mieux que M. Bertrand nous montre comment Salammbô surmonte le roman historique en l'absorbant dans une œuvre plus historique encore, surhistorique pourrait- on dire. Flaubert a pu se tromper dans tel ou tel détail, il ne s'est pas trompé dans son évocation de l'Afrique, d'une Afrique qui n'est ni punique, ni romaine, ni arabe, ni française, mais qui demeure toujours, sous les passagères dominations, immua- blement, l'Afrique. L'Afrique telle que sa situation, sa géo- graphie, son climat, ses peuples la font, telle que sous tous les chocs du dehors l'histoire aiguë la retrouve toujours. J'ai voyagé dans tous les pays sur lesquels a écrit M. Bertrand, et mes expériences de voyageur m'ont paru souvent démentir les siennes. Ici elles s'accordent parfaitement. Comme l'ionien Homère a écrit dans VOJyssée le livre de la Méditerranée, le normand Flaubert a écrit dans Salammbô, avec la plénitude de la synthèse épique,le livre de l'Afrique.^»/^ etaratro: ainsi Bugeaud traçait le programme de conquête. Far Flaubert, la France a pu ajouter : Et calamo. Les gens qui pensent par statues à ériger et comités à constituer, imagineront sans doute ici avec complaisance une statue de Flaubert comme pendant à celle de Lavigerie à Biskra ou de Ferry à Tunis...

Ce magnifique sujet français, Flaubert l'a traité avec les moyens d'un art plus près, je crois, d'une tradition française ^ue ne le pense M. Bertrand. M. Bertrand dénonce l'insuffi- sance et l'injustice des trois articles que Sainte-Beuve écrivit sur Salammbô. " Peut-être, dit-il, cette chaude et sauvage Afrique dépassait-elle la compétence d'un petit bourgeois de Mont- parnasse, qui n'est guère sorti de son quartier et qui n'a point pris l'air. Les voyages servent tout de même à quelque chose. Et puis l'œuvre de Flaubert était trop haute pour lui. Ce qu'il

�� �