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lOO LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

minute, quelque chose de brisé. Marcelle avait donc des droits sur Ponceau ? N'importe: le vin était tiré, il fallait le boire. Ponceau ne demandait pas mieux. Ses rapports avec Juliette en seraient simplifiés. Cougny venait de reprendre son grand air :

— Allons, enfants de la patrie !...

Il n'avait rien entendu, rien vu. S'il s'apercevait de quelque chose, il n'était pas homme à s'en ofîusquer, mais, au contraire, à en rire. C'était un bon vivant comme on en trouve dans les petites villes.

Il faisait maintenant très-chaud. Il était temps de se reposer. On s'assit à l'ombre. Marcelle, les lèvres serrées, ne disait plus rien. Cougny continuait :

— Contre nous, de la tyrannie l'étendard... A ce moment il bafouilla :

— San... sangl...

Il n'acheva point. Il s'étendit de tout son long et s'endormit, les veines des tempes gonflées, toutes bleues. Il était onze heures du matin.

— Bonne nuit, dit Ponceau. Moi je vais faire un tour par là, avec Juliette.

Il ne se gênait plus. Marcelle ne put rien lui répondre. Les coudes sur les genoux, la tête appuyée sur les paumes des mains, elle regardait devant elle, avec une indifférence affectée. Ponceau était très fort parce que, pour assurer son propre bonheur d'un instant, il n'hésitait pas à faire long- temps souffrir les autres. Il avançait dans la vie en con- quérant et ne se retournait pas pour prêter l'oreille aux gémissements des blessés. Juliette aurait voulu ne pas le suivre, rester là près de Marcelle, mais ce fut plus fort qu'elle : elle se leva.

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