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1036 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Il s'assoupit : il murmure des mots sans suite ; ce papier, tendu sur le châssis de la fenêtre et le plein jour de la rue, le fumeur pourrait dire qu'il a une eau comme une perle ; n'est-ce pas un peu de ce papier de riz de Kyoto dont se servent au Japon de petits artistes ventrus pour illustrer les poëmes de Kiôden : " Les choses qui don- nent le frisson ", " Les choses qui excitent le regret du Passé " ? — N'est-ce pas du même papier ?

Il entend comme au loin passer sous ses fenêtres un enterrement. Des flûtes et des gongs rythment le pas d'une foule d'hommes qui défilent mais dont il ne voit entre ses paupières à demi-closes que les têtes tonsurées et les nattes roulées en chignons. Un instant, un énorme catafalque remplit tout le cadre de la fenêtre au châssis levé, se balance puis disparaît ; les porteurs invisibles crient pour s'encourager.

La voix de ces hommes est sourde ; leurs cris ne s'élèvent pas, il semble, tombent comme des médailles de plomb

Hilaire dort profondément.

Il rêve au Poisson Gobie qui porte bonheur, le poisson à trois queues qu'on pêche dans le lac Kanki ; au poète Bakin, gardien du temple Kamo où, après s'être rasé la tête, il écrivit son poème :

Vous^ Rochers antiques^ Sur la rive de Kiyomi ! Laissez-moi vous poser une question : Combien de fois vous êtes-vous parés De ces vêtements humides de vagues ?

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