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l'exécution double 1033

Cette pièce est éclairée d'une grosse lampe qui par^t baisser ; elle pend, accrochée au plafond.

Le petit iardin est mélancolique comme un jardinet d'hôpital, un dimanche soir, après la visite des parents et des amis.

C'est un enclos minuscule, ceint de murs de briques grises. Au centre d'im parterre dessiné par des rocailles, une corbeille de ces pivoines chinoises, odorantes à l'excès d'une odeur fade et lourde qui creuse la gorge ; dès le crépuscule brille l'eau d'un bassin de porcelaine où nagent des hippocampes noirs ou rouges ; aux quatre coins du jardin, un poirier nain, bossu, planté dans un pot de faïence.

L'ombre du grand mur noir de la prison le couvre. Je ne me souviens pas d'avoir vu le jardin autrement qu'attristé de cette ombre. Au sommet du mur et de chaque côté d'une façon de fenêtre, étroite comme une meurtrière, une cage pend où git une tête posée sur le cou : quatre rangées de dents luisent ; les yeux sont clos, scellés de deux bourrelets de chair ; des lambeaux violacés, des morceaux de croûte passent sous les cages, entre les barreaux ; et les cages avancent sur le jardin, taché au pied du mur de deux petites flaques de sang séché.

Le jour où j'appris la mort de mon ami Hilaire j'ai pensé à ma dernière visite au jardin de Fo-Chi : la lune teintait de bleu le lieu, un bleu limpide, et, bien que ce fût minuit c'était le point du jour.

J'ai écouté le chant d'un kouaî-koual, le grillon chinois, dont le chant est le son d'un triangle d'orchestre ; dans le jardin pourtant, cela semblait arriver du fond de la nuit. Le kouaï-kouaï se taisait parfois, alors j'entendais un égouttement régulier, sonore, qui venait du mur, car

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