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IOl6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Ainsi que les saints de Giotto une pensée com- mune et diverse les harmonise, selon l'âge et le caractère, selon la mission de chacun ; ils n'ont qu'à se laisser bercer par elle : d'un trait continu, souple et large, son rythme va s'inscrire au mur.

Mais Giotto n'avait pas tout dit dans sa phrase rude et concise. Il manquait encore à ses person- nages cette vérité corporelle qui fait ici les gestes libres, dégagés, les visages fins et complexes, la chair ductile et susceptible de beauté — en un mot la sensualité de la vie. Giotto ne demandait à ses figures que de vêtir le sentiment : dès qu'il avait noté le geste le plus explicite, il cessait d'ob- server le vif ; il ne pouvait encore aimer la forme humaine pour elle-même, sans craindre de renier l'esprit. — Angelico, après Orcagna, la découvre ; il va l'aimer païennement. Il n'épargne pas un détail. Il l'aime vraie. Il l'aime belle. Venusta^ formosa. Il veut qu'elle fasse honneur à son Père, comme un beau soir aux coteaux florentins. 11 ne peut songer à la montrer nue, mais il soigne son vêtement pour qu'y transparaisse la grâce... Ainsi parée, il l'invite à entrer dans la grande église giottesque, dans la grande harmonie pathétique du " trecento ". Il charge l'ancien édifice d'un trésor sans pareil qui le comble soudain : tout l'homme, dans sa réalité charnelle et dans sa char- nelle beauté. — L'art rituel s'entrouvre, accueille

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