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990 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

faim, et il aurait bien voulu ne point partir sans avoir mangé.

Sept heures et demie venaient de sonner. Le ciel était délicieusement clair, d'une telle transparence qu'avec de bons yeux on pouvait distinguer très loin les étoiles. Tout ce qui touchait à la terre, arbres, rochers et maisons, se dessinait sur le fond de cette nuit avec netteté. A peine levée, la lune ne comptait pas encore. En attendant qu'elle fût arrivée assez haut parmi les étoiles, plus le ciel devenait d'un joli bleu pâle, et plus les silhouettes des sapins et des marronniers, plus les toits aigus se précisaient comme encadrés de ces baguettes de plomb que l'on voit autour des paysages, des figures des vieux vitraux.

Le crépuscule envahissait les rues et les maisons. Il attendit encore. Puis, le cœur battant fort, il se sauva tout simplement, à petits pas pour commencer. Ensuite il se mit à courir. En traversant les Promenades il distingua dans l'ombre l'âne qui précédait la mère Catherine. L'idée lui vint de retourner à la maison : ils arriveraient tous les trois ensemble. Mais non. Il ne sentait plus la faim.

Car déjà régnait, comme on dit dans les rapports officiels, une animation extraordinaire. Des gamins par bandes, venant de tous les coins de la ville, se précipi- taient vers le canon. Redoutable engin de guerre, il ne fallait pas moins de deux paires de boeufs pour l'amener au sommet de ce tertre gazonné en bas duquel s'alignaient des sapins d'inégale hauteur. Des gens bien informés allaient jusqu'à prétendre qu'on l'entendait à deux kilo- mètres à la ronde : c'est une jolie distance. Mais il ne suffisait pas d'entendre le canon : il fallait le voir. Il n'y

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