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que de sa bourse. Il est poli avec tout le monde. Il ne se fâche plus. Il n’envie rien. C’est alors qu’on le dit tout à fait fou. Il n’a pas de fiel. Il est riche de bons pleurs sans amertume. Dès cinquante ans, il vit aussi purement qu’une religieuse, aussi simplement qu’un religieux. Il ne mange que des légumes. Il ne boit guère que de l’eau et du lait. Il ne fait ni le mal ni la mort. Il a un cœur pour les feuilles et pour les bêtes. Il aime la prière. Il prie avec une entière simplicité.


Pauvre Jean-Jacques ! Où est ta jeune allégresse, et ces joues rondes, gonflées d’heureuse vanité ? Pauvre Rousseau ! Misère à base de grandeur ! puérilité pleine de sève ! Sainte maladresse ! Impudique, épris d’une impossible pudeur !

Par amour propre d’homme, et comme on met le manteau d’un vice pour cacher une plaie secrète, il s’est donné des enfants, qu’il n’a pas eus. Dénué de tout, il les a laissé jeter à la crèche, dans la nuit où vagissent les orphelins. Mais il ne veut pas se le pardonner ; il veut s’en vanter et s’en blâmer du même coup. Il brave, parce qu’il souffre des reproches qu’il se fait ; et il cherche le mépris des autres, pour se laver du sien propre, et de la condamnation qu’il porte sur lui. Il aime qu’on le condamne, parce qu’alors il s’absout. Aux outrages qu’il réclame, à la boue qu’on lui lance, il rentre en lui-même, et retrouve les feux