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qu’en tout, monde, cité, passé, présent, politique et nature, il ne voit que soi, il n’aime que lui. Chateaubriand modèle son personnage ; il porte un masque ; il ne le quitte jamais ; il ne cesse de le polir et de l’orner ; il joue toute sa vie le rôle qui lui semble le plus digne de lui, devant la postérité.

Jean-Jacques est nu. Plus il se pare, plus il y est malhabile. Ses prétentions même décèlent sa nudité. Il ne se quitte jamais tant, que s’il tourne le dos à tous les hommes. Il les chérit, en les maudissant. Plus il s’élève au dessus d’eux, plus il s’abaisse lui-même en pleurant. Il se déteste à la mesure où il se vante. Parce qu’il en rabâche, on croit qu’il s’enorgueillit de ses vertus ; mais c’est le moment qu’il s'accuse de tous les péchés et de tous les crimes. Enfin, il ne donne tort aux autres, que pour pleurer d’avoir raison ; et s’il invective contre tous les hommes, c’est de la voix passionnée qui implore leur pardon.

§

Rousseau a été le premier poète à porter, dans les lettres de la France, la complexion et les sentiments d’un musicien.

Il était né pour cette musique, et non pour la serinette qu’il fit, d’abord, entendre à l’Opéra Comique. Homme nouveau par là, et d’une ex-