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Il mérite qu’on l’aime ; et on ne le sent jamais si bien, qu’au moment où on le repousse. Il y a un homme là dessous.

Un homme, et non pas seulement un malade, un pauvre infirme, un malheureux qui délire, un forcené qui souffre : un homme, un grand cœur, une force pour la vie ; un être qui se donne, et qui prend, et qui se rend au centuple ; une nature enfin, une passion, une personne ; un fils de la femme, pour qui le ciel et les eaux ont un langage ; pour qui tout existe, les plantes et les bêtes, les hommes et les femmes ; et qui, voyant tout vivre, participe à toute cette vie. La puissance de Jean-Jacques sur son temps vient de là : il portait nouvelles de la vie à un monde tout machiné d’artifice. Où la vie paraît, soleil matinal, la raison froide s'efface. On ne se chauffe pas avec le plan d’une forêt, fût-il le mieux aménagé du monde, et n’y manquât-il pas un baliveau. La vie est la raison des raisons. Il est, en elle, une force de persuasion à nulle autre pareille. Cette force de Rousseau, comme celle de Beethoven, est un amour qui s’épanche.


Il n’est pas l’homme de ses livres, disent-ils. Qu’est-ce qu’ils en savent ? et si, au contraire, l’homme de la vie n’était pas le pis aller du poète ? L’écart est tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre. Il y a des hommes que leurs livres