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Il a l’aigre odeur du pauvre et de l’apothicaire ; il fleure l’onguent du frère Côme et la queue de cerise. Il a les mains populaires, larges et brunies. Nulle élégance ; beaucoup d’abandon, quand il est seul, et un brusque retrait, dès qu’on l’approche. Il est un peu court. Il a le dos large. Il marche d’un pas embarrassé et infatigable. Il va et vient, affairé et lourd, nerveux et lent. Puis, il s’arrête, et se perd dans une réflexion profonde, d’où il s’éveille en sursaut, tout effaré, jetant des regards douloureux et rapides, de tous côtés.

Il a la voix forte et claire des êtres passionnés, qui succombent, sans jamais être vieux, à l’immense vieillesse de l’infortune. Et pas une femme, tout de même, n’a plus d’enfance que lui dans les sanglots.

Il pleure à flots, et sans contrainte. Il boit fort ses larmes. Il les laisse couler, jusqu’à ce que le sel lui cuise aux lèvres, et lui fasse faire la grimace. Et sa voix est encore plus chantante, quand, levant les yeux au ciel, il murmure quelque oraison désespérée, cherchant là-haut du secours contre le destin et contre les hommes. Enfin, il se gourmande, et pour sécher ses pleurs, il se met les poings aux yeux. Il gronde contre lui-même, il se prend à partie. Il rajuste son bonnet fourré qui branle, et une douceur se répand sur toute sa face, comme pour répéter cent fois : « pourtant, pourtant ! » et : « tout de même ! » Il finit par rire