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896 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

rien renié du passé mais ne craint rien de l'avenir, occupe dans une époque très discutée.

E. P.

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CHARLES GUÉRIN, par M. Albert de Bersaucourt.

Je pense qu'on lira l'importante étude de M. de Bersaucourt sur le poète Charles Guérin en goûtant le rare plaisir de se rencontrer devant de beaux vers harmonieux et tristes (il y a, comme il convient, d'amples citations) avec un guide sensible, qui a l'intelligence de sa sensibilité, qui ne gesticule point pour imposer son admiration, mais au contraire met dans son discours une discrétion confidentielle et cordiale, amicale — pour dire en un mot combien M. de Bersaucourt apparaît à la fois l'ami du poète et l'ami du lecteur... sans gêner jamais l'un ou l'autre.

Guérin resta toute sa courte vie le disciple d'Alfred de Vigny. Mais Vigny est un fort où Guérin est un faible — je parle du caractère d'après l'expression littéraire. Chez Vigny la tendresse consolatrice est lointaine pour son prochain comme pour lui-même. C'est le triomphe de l'ascétisme du pessi- misme. Ch. Guérin est plus doucement douloureux pour lui- même et pour son prochain.

Ainsi l'anathème à la nature et à la femme, que clame Vigny pessimiste, n'est point du tout le fait de Guérin non moins pessimiste. Les textes, si bien choisis par M. de Bersaucourt et expliqués par lui avec un tact affectueux, nous montrent un poète qui s'efforce de bercer sa peine, sans fausse sentimentalité, sans trop d'apprêt du décor.

Mais ce que je préfère dans le délicat commentaire de M. de Bersaucourt, c'est le chapitre sur les poèmes d'amour. Guérin fut un passionné. Qu'il donne une transcription de la fameuse et inimitable Colère de Samson, soit ; elle a sa person- nalité, un peu pâle. La personnalité de Guérin a une autre force de vie dans les vers purement amoureux qui, eux, ne sont

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