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LES ROMANS 879

productions populaires de nos jours. Le vieux roman mettait en scène des héros nombreux et de grande envergure. Un monde à leur taille s'ouvrait devant eux, plein de promesses à leurs convoitises, d'embûches à leur intrépidité, se proposant à leurs travaux, s'opposant à leurs entreprises. Ils y trouvaient de belles aventures.

Ce mot d' " aventures " enchante encore bien des esprits. Et puisque, tout à l'heure, j'ai parlé du drame, je dirai que ce mot à^ aventure s'oppose assez bien à celui de drame. Il est doué, lui aussi, d'un grand sens, d'un sens révélateur. Il contient, peut-être, une esthétique du roman. De même que les idées d'action progressive et logique, de rapidité, de relief, d'écono- mie et de limitation des moyens, se groupent naturellement autour de la forme dramatique ; ainsi la forme romanesque revendique pour siens le caprice, la profusion, le détour et la longueur. Et le mode de composition qu'elle admet — mul- tiforme, ramifiée, souple comme l'onde musicale, et n'ayant en nul point son lieu de naissance et de ralliement — achève de l'opposer, non seulement au drame, mais à toutes les formes de récits qu'on nous donne aujourd'hui pour romans : contes, études, monographies, confessions, analyses, thèses, démonstra- tions, ou ce que Boileau, dans une lettre à Perrault, appelait déjà : poèmes en prose. Enfin, que le roman soit surtout propre à représenter des aventures^ c'est ce que j'entends insinuer...

Je ne fais pas du roman d'aventures une variété, une spécialisation du genre romanesque ; je voudrais y voir le type même du roman, avec tous ses attributs et toutes ses puissances. Dans l'aptitude à narrer de longue haleine des aventures, je reconnais la disposition romanesque par excellence. C'est cette disposition qui m'intéresse avant tout : l'attitude, la posture du romancier devant sa matière, sans préjuger de la nature ni de la qualité de cette matière.

Ce qu'il y a d'admirable et de vraiment fécond dans le

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