Page:NRF 7.djvu/866

Cette page n’a pas encore été corrigée

86o LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

l'Orient... Mais à mesure qu'il avançait, ses pages se sont alimentées de nourritures plus détournées, et que ses racines dépaysées allaient chercher plus loin ; la seule Iphigénie dont il veuille se souvenir en Grèce est celle de Gœthe, vue par lui, comme jadis par M. Taine, du Mont Sainte Odile... Et je me suis demandé à quel propos l'assassinat de Capo d'Istria venait s'étirer en pages trop longues... Avec quelle politesse souriante, raffinée, M. Barrés a écarté Athènes et sa déesse municipale ! Quel jeu d'équilibre diplomatique à concilier la déférence d'usage et sa belle sincérité ! " Je vais goûter un plaisir d'art, le plus grand je crois de ma vie " dit-il avant de monter à l'Acropole. Mais il a eu soin de ne pas mettre cette phrase au passé, après sa descente. " La beauté de Phidias s'impose à tous les êtres raisonnables", et il a écrit là dessus un parfait chapitre d'intelligence. L'éloge, qui d'un autre serait décisif, paraît bien maigre et un peu ironique, venant de celui pour qui la beauté propose et exalte des manières de sentir. S'il ne parvient pas à nous donner le change, c'est qu'il ne l'a pas cherché. Mais pourquoi ce pèlerinage classique lui fut-il, non quand il le raconta, (c'est au point de vue de la forme un des chefs d'œuvre d'aujourd'hui) mais quand il le fit, son dernier devoir d'écolier ?

Un autre pèlerin romantique, qui a écrit peut-être le livre- type du genre, et qui l'a semé depuis à une étape dépassée, l'auteur des Nourritures Terrestres, dit en parlant de Rome : " J'ai découvert le secret de mon ennui à Rome, c'est que je ne m'y trouve pas intéressant. " Avec sa franchise ordinaire, il mange ici le morceau, je veux dire le pèlerinage classique. Et l'auteur du Culte du Moi, lui, " analysant son désarroi ", se trouve bien moins intéressant sur l'Acropole qu'à la pointe extrême d'Europe ou sur ce plateau de Sion-Vaudémont que, pour bien faire, la tour franque aurait dû lui rendre aux Propylées. Ce n'est pourtant pas sur l'Acropole qu'il a donné le pendant le plus authentiquement romantique au mot que je citais.

�� �