Page:NRF 7.djvu/860

Cette page n’a pas encore été corrigée

854 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

méditation, qui, seuls, dans son âge naûr et sa vieillesse, tirent de lui une résonance parfaite. N'est-ce point là le mouvement même qui détache Sainte-Beuve du romantisme, et la pente naturelle de toute critique, de toute vision harmonieuse et lucide, en tant qu'elle se confond avec la pente d'une vie humaine, en tant qu'elle se décourage en s'épurant, en tant qu'elle retrouve avec plus de mélancolie la servitude de sa condition qui est de voir, non de créer ? Regardez comme la même ligne relie, équilibre la Lettre a Fontanes sur la Campagne Romaine, l'article de Sainte-Beuve : Qu'est-ce qu'un classique ? Et que de phrases de M. Barrés, dans les Amitiés Françaises et ailleurs, chantent sur ce motif !

Il me semble que ce genre littéraire du voyage comporte trois manières, et, pour dire que celle de M. Barrés est la troisième, je suis bien obligé de commencer par les deux autres.

On peut demander au voyage une matière à description, utiliser par lui le bon état de ses yeux et de sa plume, comme un marcheur utilise la santé et le nerf de ses jambes. Le voyage descriptif est le plus naturel, le plus simple, le plus copieux, et l'on comprend que les deux noms qui viennent d'abord à l'es- prit de la critique quand elle songe au voyage et aux voyageurs soient ceux de deux descriptifs, Gautier et Loti. Voilà les larges assises du genre, et aussi, toutes choses égales, ses plus bas degrés. La description date très vite. Ce qui soutient les voyages de Gautier, ce n'est pas leur détail de peinture exacte, tout ce mérite qu'il revendiquait de " bon daguerréotype littéraire ", c'est un fond de bonne humeur, d'intelligence accommodante, une manière savoureuse de conter les histoires, de l'esprit, un style de trame épaisse et solide qui donne, sous les doigts, la sensation des draps inusables d'autrefois. Et si les deux romans maritimes populaires de M. Loti restent des chefs-d'œuvre, comme ses livres de voyage se sont vite fanés...

. . . Les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent

Pour partir.

�� �