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848 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Princes en liesse ne diffèrent pas du populaire. Le Martyre de Saint Georges^ à S. Giorgio in Braïda, est un Rubens supérieur, élégant, léger, d'une facilité prodigieuse, d'un rhythme aisé et victorieux. Mais Saint Georges en extase est un ténor bellâtre, gras et mou ; il a même perdu beaucoup de cheveux. Le lieu du supplice est encadré de chevaux bien faits pour un arc de triomphe. Au fond, des palais, des statues, des tours, des balcons, des terrasses de marbre. Où donc est-on, si l'on est quelque part "^ Une seconde scène se joue dans les nuages, au dessus de la première: tout un peuple de dieux gras et de saints bien en chair s'évertue des quatre membres. Une magnifique femme est assise sur la nuée : elle offre à la lumière sa nuque de nacre et ses rondes épaules, comme Véronèse s'acharne à montrer ses jeunes femmes ; elle tient un ange sous chaque bras : en vérité, femme ou déesse, elle est trop forte à faire ainsi des poids. Elle tourne avec eux aux pieds de Dieu le Père, pareil à un prince du Sénat. Il est entouré de trois ou quatre autres belles femmes. Entre les deux groupes, un ange vole des deux jambes, une palme dans une main, dans l'autre une couronne ; et des deux ailes étendues, il fait la roue. Il est machine de théâtre, à tel point, qu'on ne croit plus à rien, dès qu'on l'a vu ; et il finit de gâter tout. Même au théâtre, il faut oublier le théâtre. Une fois de plus, le décor tue le drame.

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