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838 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

comprendre la parole innombrable de la vie, supposé qu'il comprenne lui même ce qu'il dit ? En est-il un, enfin, qui puisse jouir de soi, en jouissant de tous les autres ? " Voilà un langage qui indigne Achille, et qui pique, comme un cuisant moustique, au plus tendre du cœur, tous ceux qui se sont mis dans leur œuvre avec passion.

Ce n'est pourtant pas qu'un tel homme soit dénué des plus beaux dons. Loin de là, il n'est même pas sans poésie ; et avec son dédain des systèmes, il a l'esprit des philosophes. Mais il a corrigé la poésie par l'agrément qu'il sait prendre aux jeux de la fiction : à les donner, il préfère qu'on les lui donne. Tout de même, il corrige la philosophie et une vue sceptique du monde par le plaisir qu'il trouve à l'imprévu et même à l'absurde: par tout ce qu'il attend du hasard. Car le hasard est son maître, étant maître de tout jeu.

Trop vif pour ne pas sentir la force que le héros représente, il a peut-être le sens de la vie héroïque ; mais il y oppose un goût décidé de la volupté et même de la cuisine. L'action lui paraît belle, et fort nécessaire : en secret, pourtant, qu'il préfère les livres ! Il exige surtout des autres qu'ils agissent. Qu'ils lui soient nn spectacle, voilà ce qu'il leur demande. S'il agit lui-même, il aspire à être son propre spectateur. De là, un air de caprice, ou d'intérêt trop soutenu, de froideur pour ses amis ou de calcul en tous ses actes, qui

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