828 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
toute la semaine, mais encore aujourd'hui, jusqu'à quatre heures de l'après-midi. C'était bien son tour, n'est-ce pas? de penser à s'amuser, à rire un peu. Il prenait une absinthe, puis une autre. L'appétit que lui donnait le travail ne suffisait pas : il fallait que son estomac fut creusé par les apéritifs.
Gallois prit une absinthe, Nolot un vermouth. Ils demandèrent un piquet, et jouèrent jusqu'à sept heures et demie.
Le repas fut une vraie bombance depuis le pot-au-feu jusqu'au fromage. Quand elles ont dépassé la quarantaine les femmes, dans les petites villes, n'ont plus guère que la consolation de bien manger et bien boire. M"^ Nolot et M"® Gallois étaient heureusement de celles qui ne dansent pas devant le buffet. Ce n'était pas jour de fête, mais un dimanche ordinaire comme il y en a cinquante- deux dans une année ; s'il fallait ne s'amuser que les jours de fête, la vie serait beaucoup moins agréable. Juliette était à côté de Paul, François tout près de Léon- tine. Il y avait chez Gallois un garçon et une fille, chez Nolot une fille et un garçon. Chez l'un comme chez l'autre, c'était un principe que l'on n'empêchât point " les jeunesses " de se fréquenter selon leurs inclinations. On serait même allé jusqu'à les pousser l'un vers l'autre s'il l'avait fallu. L'on riait bien, entre soi, de celles qui, comme M™® Frébault, gardent leur garçon sous leur jupe jusqu'à plus de vingt ans, jusqu'au départ pour la caserne. On ne voyait pas de raison à ce que, dès leur retour du service, Paul n'épousât point Juliette, et François Léontine. Union parfaite de deux familles. On pourrait faire les deux noces le même jour. Si la maison n'était pas assez grande, on mettrait des tables jusque dans la rue.
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