79^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
font un beau contraste avec la peau dont la blancheur devient une pâleur, elle n'était pas vêtue comme les demoiselles riches que leurs gants et leurs voilettes rendent lointaines, inaccessibles. Elle sortait toujours, en semaine, avec un tablier. Sans doute c'était un tablier si joli que les deux petites poches se trouvaient là pour que des deux mains chacune eût son nid où se reposer. Mais elle ne mettait de chapeau que le dimanche, tandis que les vraies demoiselles ne sortent jamais nu-tête. Cela ne l'empêchait pas d'être plus jolie qu'elles.
Elle avait eu de bonne heure un penchant à la coquet- terie. Elle regardait, en écarquillant les yeux, les gravures de ces albums-réclame que les grands magasins de Paris répandent dans les moindres villages. Elle aurait alors voulu être une de ces belles dames qui, la pointe de l'ombrelle piquée dans le sable d'un jardin à pelouses, regardent hardiment devant elles. Leurs jupes ne font pas un pli qu'elles ne doivent faire ; leurs gants sont si bien ajustés, si délicats, que les mains qu'ils protègent en paraissent plus menues encore. Elle n'avait pas été de ces petites filles que l'on peut voir, sans pantalon, se baisser pour barboter dans les ruisseaux sales que font les pluies d'orage. Elle n'allait pas davantage avec celles qui, le jeudi et pendant les vacances, courent avec les gamins par des sentiers où l'on s'écorche, aux ronces, les mollets et les bras nus, aux pierres pointues le cuir des bottines. Elle restait presque toujours à la maison. L'on se rappelait très bien qu'à l'âge de six ans elle marchait avec des airs de relever sa jupe qui lui venait aux genoux.
Elle lisait, aujourd'hui, son feuilleton mot par mot. Elle lisait même ces " blancs " que l'écrivain laisse à la
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