d'aDDIS-ABEBA a DJIBOUTI 777
cette fraîcheur, cette légère rumeur liquide de l'onde qui fuit. En aval, à cause de quelques îles qui encombrent son lit, le Kassam se divise, déborde sur les plages de galets, trop larges pour le mince flot qui coule en ce moment. Miroitement des eaux élargies : la lumière étincelle et danse devant moi ; elle empêche de distinguer les courtes collines qui, au bout du paysage, s'arrondissent sous le ciel spacieux.
Jardin qui s'étend sur la grève. Une haie de cactus entoure ses bosquets serrés : pour y pénétrer, il faut s'insinuer de profil entre les raquettes sèches et poilues. Une chaleur humide, stagnante, pèse dans le demi-jour que font les bananiers épanouis en éventail et ces pa- payers qui, au bout d'un long stipe svelte, dressent leur plumeau d'acanthes abritant les gros fruits grenus, pareils à d'énormes cornichons. Partout des seghias, des rigoles entretiennent et propagent l'humidité. Beaux citronniers au feuillage touâu et noir. On voit luire les limons entre les branches, dorés et gonflés, mais sans suc et qu'il faut mordre à même comme une pêche, pour se rafraîchir la bouche. A l'arôme des verdures, des herbes mouillées, un indéfinissable relent se mêle, insidieux et fugace. On le flaire avec un inquiet étonnement. L'ombre, le secret et la langueur répandue, tout ici, d'ailleurs, trouble et sur- prend. Ces oisives douceurs ne sont pas de ce pays où l'horizon ouvert, l'allégresse de l'air et de l'espace toujours convient à la marche et à l'action. En vain, je me roidis : dans ce jardin trop clos, où l'on ne voit pas le ciel, déjà, pour m'y être arrêté, je me sens glisser à la mollesse, au repos, à la jouissance. Et puis, encore une fois, je respire
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