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77^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

lambeau de cotonnade passé entre les cuisses et qui ne couvre pas leurs fesses rondes. Sur le pagne de l'une d'elles se déchiffre la marque imprimée en bleu du fabricant yankee. Hideuses d'ailleurs, sans ligne, sans grâce. Quand nous les dépassons, aucune curiosité, aucun regard en dessous : peut-être ne nous ont-elles pas remarqués, tout appliquées à maintenir en équilibre sur leur épaule la palanche qui porte à ses deux extrémités de grosses calebasses pleines d'eau ; leur flasque poitrine ballotte à chaque pas, parmi les colliers de verroterie dont le torse est chargé. Leur aspect rebute mes hommes eux-mêmes ; ils se taisent et considèrent avec étonnement le morceau de roseau passé dans la lèvre inférieure, transpercée et distendue, de ces femelles ; le bout appuyé et frotte sur le nez épaté, d'où ruisselle une huileuse sueur.

Tandis que le maître-nagadi gagne avec la caravane le bois de mimosas où nous devons camper,je tourne à gauche et entre des dunes de terre, profondément creusées, pousse droit jusqu'au gué du Kassam. Abominable charogne de mulet qu'il nous faut éviter. Le ventre est béant, les côtes brisées ont crevé la peau : à notre approche, deux chiens sortent du trou aux entrailles ; avant de s'éloigner, ils happent à pleine bouche la chair qui résiste, tirent, s'obstinent, arrachent enfin un morceau avec quoi ils s'enfuient. La rivière, à dix pas de là, nous apparaît. Entre ses rives plates qu'ombragent d'admirables parasols, elle roule avec bruit sa nappe étalée, transparente et que les galets dont le fond est couvert affleurent par places. Depuis la Modjo, nous n'avions plus aperçu d'eaux cou- rantes : avec quelle joie, nous retrouvons ce ruissellement,

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