73 6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
ne s'en était mêlée. Moréas n'a pas été prodigue de confidences, mais sous sa hautaine réserve on devine les pires blessures :
" O Syrinx, ouvrage d'un Dieu, maudit est celui qui te traverse d'un souffle mêlé de sang ! "
Perçoit-on ce qu'il y a de rare dans cette réso- nance grave ? A partir de Feuillets elle se fait dominante dans l'œuvre de Moréas :
" Il est pour le poète une douce saison, celle où la dernière fleur s'eflFeuille et le premier fruit commence à se nouer. Alors le destin, qui menace déjà, empreint l'inspiration d'une gravité suffisante, tandis que l'art continue encore ses mille coquet- teries. Plus tard l'harmonie résonne profondément, mais les cordes de la lyre laissent tomber des gouttes de sang réel, qui, peut-être, font horreur aux Muses ". Et, toujours aussi secrètement, mais plus directement :
O souffles, pour mon cœur tout chargés à présent
D'erreur, de remords, d'amertume.... Vie exécrable, ô jours que corrompt l'amertume Je vous surmonte encor, mais mon cœur est brisé...
Sort cruel, — sort plus heureux cent fois que celui des heureux de ce monde! Seule sans doute la Douleur pouvait émonder la sensibilité de Moréas de ses vaines luxuriances, la contraindre à se replier sur son centre, à n'écouter plus que le chant de ses profondeurs. Et ce chant, ô merveille ! se trouve
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