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712 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

oh plus rien ne bouge des corps qui y sont allongés. Ceux-là sont morts pendant la nuit. Sur la grande place, qui est derrière la station, d^ innombrables soldats en désordre vont, viennent, tournent, ne sachant où aller..,

... Plus loin, des soldats couchés dorment autour d un cadavre étendu sur une civière. La figure est tellement grise de terre qi^elle a perdu toute apparence humaine. On dirait un de ces mannequins que l'on place dans les champs pour effrayer les moineaux. Depuis combien de temps dorment donc les porteurs, pour que ce mort soit a ce point saupoudré de poussière ?

Un autre récit, dans ce livre, par des moyens différents, atteint presque à cette intensité tragique. C'est " le Dernier Jour de Metz " par M. E. A. Spoll. Là, point de cris ni d'horreur, nul spectacle. Ce n'est poignant qu'à force de pau- vreté. Tout se passe comme s'il ne se passait rien. Les rues sont sales et désertes... Par moments, pourtant, il y a de vagues sursauts de colère, semblables aux gémissements qu'arrache la douleur à des blessés qui ne voulaient pas crier. Des hommes courent à la grosse cloche pour sonner le tocsin. Des attroupe- ments se forment, — puis se défont... et chacun rentre chez soi, vaincu par la pluie, le froid et la tristesse...

L'entrée des Allemands est à peine plus bruyante. Mais on ne lira pas, sans que quelque chose vous serre à la gorge, cet épisode final où apparaît soudain, rageuse et désespérée, la figure même de la défaite :

Bientôt on entend une musique étrange : ce sont les troupes alle- mandes qui, sous une pluie battante, font leur entrée triomphale. Les portes, les fenêtres se ferment, et c'est dans une ville déserte qu'entrent les vainqueurs.

Seul, un officier français ' s'est placé au milieu de la chaussée, faisant face aux escadrons qui montent la rue du Petit-Paris; très pâle,

• Emile Estienne lieutenant au 51° régiment de ligne.

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