Page:NRF 7.djvu/714

Cette page n’a pas encore été corrigée

708 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

��* •

��VIE DE MÉLANIE, BERGÈRE DE LA SALETTE, écrite par elle-même en 1900. Son enfance (1831-1846). — Introduction par Léon Bloy (Mercure).

Ce livre a un tel caractère d'intimité et de sincérité, il est si confidentiel, et, pour ma part, je le sens si près de moi et j'éprouve si bien pour lui toutes les pudeurs de l'amour, que j'hésite à en parler. Du reste, il semble échapper à toutes les mesures ordinaires de la critique.

Et cependant, c'est de tels livres qu'est faite la littérature : c'est dans la mesure oia ils s'apparentent à de tels livres que les ouvrages des écrivains de vocation sont bons. Dès qu'on a com- mencé à lire l'histoire de cette petite fille, on se sent soulagé, et libéré des ténèbres de la culture et du savoir ; on pense : Voici enfin une histoire où la nature humaine toute seule et toute pure est agissante ; une histoire naturelle, ah oui ! une histoire de notre pays et de notre enfance.

" Ma tante m'envoyait à l'école; mais pendant un an environ que je fus à l'école, je n'appris pas seulement à bien connaître mes lettres. Les enfants ne m'appelaient que la Muette parce que je ne parlais jamais et que j'étais toujours dans un coin toute seule ; et quand la bonne Maîtresse m'appelait pour me faire dire ma leçon, il n'y avait pas moyen qu'elle me tirât une parole de la bouche. Un jour, elle me forçait de lui dire pour- quoi je ne voulais pas dire sa leçon. Je lui répondis que c'était parce que sa leçon ne disait pas joli, et que dans le ciel on ne disait pas des choses laides comme ça et que je ne voulais faire ici que ce que je devais faire avec ma Maman dans le paradis... Et puis, ajoutai-je, je ne veux plus venir à l'école, parce qu'on y fait trop de bruit ; j'ai peur que mon cœur l'entende, car mon petit frère m'a dit bien des fois : Ma sœur, ce que je vous recommande, c'est que vous fermiez votre petit cœur à tous les

�� �