698 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
Shaw sur les femmes et plus précisément sur le métier qu'exerce Mrs Warren tiennent en quatre phrases très peu neuves. Nous avons chez nous beaucoup mieux et beaucoup plus émouvant que les saillies de ce faux enfant terrible qui se montre si avisé lorsqu'il s'agit d'organiser la réclame autour de sa personne. Non, ce qui peut nous attacher à cette pièce, c'est, d'une part, techniquement, le don de théâtre de Shaw (nous y revien- drons) ; et c'est, d'autre part, ce que nous trouvons dans son œuvre de spécifiquement irlandais ou anglais. Un auteur a beau s'opposer à sa race et la railler, c'est encore une façon de la peindre ; et c'est encore le plus sûr moyen d'intéresser un étranger. Or sur ce point précis nous sommes volés.
Que le traducteur nomme quatre shillings " cinq francs ", cela peut se défendre, quoiqu'on ne voie pas bien l'utilité de telles transpositions, ni pourquoi, cette méthode admise, l'on s'arrêterait à mi-chemin. Tant qu'à faire, il fallait remplacer la tasse de thé que demande Mrs Warren par le petit verre de malaga et le biscuit de Rheims dont ne manquerait pas de se sustenter une Madame Warren française. Que dis-je? M. Hamon l'a senti, et il m'a bien semblé (mais je n'affirme pas) que quel- que part une laitue trop exotique s'était vue remplacer par du fromage. Ceci n'a aucune importance, mais je sursaute un peu lorsque Frank, pour prêter à un de ses amis, architecte, des états de service fantaisistes, s'écrie : " C'est lui qui a bâti le château de Chenonceaux pour Rockefeller. " En quoi Rockefeller prête-t-il à plus de comique que le duc de Beaufort qui est dans le texte anglais, et que diable vient faire Chenonceaux dans la bouche de ce jeune vaurien qui certainement n'a jamais traversé la Manche et dont la culture d'art doit à peine égaler celle d'un élève de quatrième î
La paraphrase est légitime quand elle souligne une intention qui risquerait de nous échapper. Celles de M, Hamon altèrent les personnages. Bernard Shaw nous montre une matrone qui n'est pas parvenue à se donner des airs de " dame ", mais qui
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