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692 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

qu'il y a des détails si familiers que leur notation n'ajouterait rien à l'idée de l'objet. Donc un choix s'impose d'abord. En- suite, il en est de plus ou moins signifiants : il faut par consé- quent les graduer en vue de l'idée qui les résume. Enfin la sensibilité propre de l'artiste exige que ces détails soient agencés pour produire un effet d'ensemble, selon certaines convenances esthétiques. Et ainsi tout ce qui répugne à ces convenances doit être éliminé. La littérature est l'art des sacrifices.

C'est pourquoi la description, contrairement à la croyance commune, est une partie si difficile du métier. Premièrement il faut être capable de voir, pour y exceller : ce qui est, quoi qu'on dise, extrêmement rare. Ensuite, il faut ordonner ce qu'on a vu et ce qu'on a choisi, soit pour produire un effet de beauté, soit pour suggérer une idée, ou les deux ensemble. On ne doit se permettre aucune description qui ne conduise à une idée, ou qui détone dans l'ensemble de l'œuvre. De là vient qu'il y en a tant de mauvaises. En prose, je ne connais que Flaubert qui ait su ordonner complètement et consciemment une description. Théophile Gautier et Zola décrivent mal, parce qu'ils procèdent par accumulation de détails, sans observer les valeurs, et comme au petit bonheur des réminiscences.

Mais justement parce que ces descriptions n'expriment aucune idée abstraite, parce qu'elles suggèrent beaucoup plus qu'elles ne disent, le lecteur non averti les considère comme toutes matérielles. En réalité, par le choix signifiant des détails elles ne sont que pensée, comme par leur composition et leur harmonie, elles ne sont que beauté.

��Un autre caractère de la méthode intellectuelle, c'est qu'elle répugne à la forme dramatique conventionnelle, qui suppose une intrigue, une exposition, un nœud et un dénouement. Pour que la description d'un personnage soit complète, elle doit

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