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LES POÈMES 685

Autant de semblables imperfections peuvent paraître fautes vénielles, dans le déploiement ample et mélodieux d'une strophe de Lamartine, autant elles nous choquent quand nul courant irrésistible de lyrisme ne les entraîne. Les Exilés manquent surtout d'inspiration ; et l'honnête Banville, le sincère Banville ne possède pas la rouerie par laquelle un Mendès s'évertue à donner le change : il est tout à fait incapable de corser artificiellement la rhétorique pseudo- hellénique dont il dispose et il rejette également l'hyperbole et l'afféterie. C'est cette honnêteté qui le sauve, au regard des siècles futurs, de la mauvaise compagnie de ses suiveurs ; il ne veut pas porter de masque. — S'il échoue dans des entreprises trop vastes, notons qu'il peut, quand le sujet qu'il veut traiter ne dépasse pas l'ampleur de son souffle, réussir des morceaux entiers comme le Sanglier, Hermaphrodite et la Mort de P Amour. Mais même dans ceux-ci, les qualités positives, vivaces, font totalement défaut. L'accent est neutre, le sentiment rarement authentique, l'image rapportée, sans force réelle, sans imprévu... Et l'admi- ration ne peut se prendre qu'à un certain sentiment de juste mesure. Mais c'est là, ne l'oublions pas, une partie de l'art, non tout l'art ; cela en aucun temps n'a suffi à faire un poète. Lorsqu'on célèbre l'hellénisme de Banville, voilà pourtant, de quoi on veut parler, bien plus que de son sens de l'antiquité grecque. Et sur ce dernier point, on aurait tort, en effet, d'insister. La Grèce ne lui aura guère fourni que des figures banalement fleuries, qu'une idéologie antithétique où l'ombre s'oppose au jour, sans cesse, invariablement ; et s'il a ressenti douloureusement l'exil de la beauté, de la lumière, il n'a pas su exprimer sa douleur.

Oh ! on le conçoit bien le rêve apollinien et tant soit peu dionysiaque que pensait enclore en ses vers le poète des Exilés. Ce fut le rêve de tout le Parnasse, las de la joaillerie roman- tique, d'un moyen-âge trop cliquetant, d'une Renaissance

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