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LA fIte arabe 6^^

s'il en reste encore d'assez vieux, se rappellent sa barbe rouge, alors qu'en 1840, jeune chef de la même tribu, il se battait à nos côtés. Aujourd'hui, toujours fidèle, toujours droit sur la selle, il nous donnait pour notre nouvelle conquête les enfants de ses enfants.

Le soir, avec toute la ville, je me rendis sur-le-champ de manœuvre pour voir partir les cavaliers. Ils défilèrent d'abord lentement, sur leurs petits chevaux, dans leurs burnous aux couleurs variées et pâlies par le soleil, chaque goum avec son Caïd et son porte-étendard, devant le Commandant du Cercle qui les passait en revue. Tous ils avaient le visage voilé d'une légère mousseline qui ne laissait paraître que leurs yeux. Cette mousseline, c'est le mûr qui sépare du reste des vivants celui qui s'en va au combat, et c'est aussi l'idée de ces fiers cavaliers que ce mince tissu les défend de la mort mieux que la plus épaisse armure. Mais ce voile qui donne aux femmes tant de mystère et de grâce donnait à tous ces hommes un air farouche, presque funèbre.

Soudain, faisant volte face, ils repassèrent en tempête devant nous, ne laissant derrière eux qu'un nuage de sable et l'enivrement de leur course. Et moi qui les cherchais encore, quand ils avaient disparu : " O cavaliers arabes ! m'écriai-je en moi-même. Tant de fois déjà, depuis un siècle, nous nous sommes trouvés, dans les mêlées, côte à côte ! Puisse le Khalife, votre ami, et le mien, avoir été mauvais prophète ! Puissions-nous conserver toujours l'inébranlable amitié de vos cœurs et vous trouver toujours fiers et fidèles sur vos petits chevaux, pour les charges guerrières et les joyeuses chevauchées de la mort !"

JÉRÔME ET Jean Tharaud.

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