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LA FÊTE ARABE 643

envoyer une dot à sa mère. " Laisse cette chienne ! s'écria- t-elle indignée. Je veux d'abord qu'elle me demande pardon. " Et tout ce que je pus en obtenir fut qu'elle envoyât à la vieille une gandourah de quatre francs cinquante...

Quand je réfléchis à l'amour que j'eus pour cette petite barbare, j'en suis encore confondu. C'est déjà bien mysté- rieux d'aimer une fille de sa race, de son sang, de son pays, mais aimer une enfant sauvage ! Sans doute je finis par avoir d'elle une sorte de connaissance empirique, qui me permettait de prévoir à peu près ce que dans telle ou telle occurrence elle pourrait dire ou faire, mais sans cesse je m'égarais sur ses sentiments, sur ses pensées. Qu'elle se crût lésée dans son affection, contrariée dans ses fan- taisies, et sa susceptibilité incroyable lui inspirait des dédains d'une cruauté féroce. Puis un mot qui la touche, le souvenir qui lui revient d'un bienfait, et elle m'accablait des marques de la tendresse la plus imprévue. J'imaginais toujours dans ses yeux je ne sais quel secret que je finirais pas découvrir, je rassemblais autour d'elle les rêves que j'avais faits sur sa race et son pays, et en fin de compte, je le vois bien aujourd'hui, j'aimais surtout en elle les songes qui depuis des années montaient pour moi des jardins.

J'avais obtenu sans trop de peine qu'elle cessât tout à fait de voir son ignoble famille, sa mère qui regrettait toujours le chaouch borgne et grêlé, sa sœur la pauvre Aïchouch et ses gredins de frères qui passaient leur temps à boire chez Gonzalvez ou Mammo. Aussi longtemps que dura ma prospérité dans l'oasis, Zohira ne regretta rien. Elle était fêtée, choyée de tous les gens qui passaient. Avec sa beauté sauvage, son méchébek de plume et d'or,

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