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624 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

d'honneur. On vient de le nommer Agha, parce qu'il a châtié avec férocité sa malheureuse tribu révoltée par ses exactions, et qu'il a eu l'habileté de présenter cette révolte comme une rébellion contre la France. On lui donnera un de ces jours la cravate de Commandeur. Et ils sont innombrables, ces mauvais Musulmans que nous nommons aux grands emplois. Ainsi que me le disait hier encore En Naçeur, la France ne s'appuie que sur des bâtons qui plient.

Les nouveaux maîtres de Ben Nezouh purent alors à leur aise développer dans l'oasis leur civilisation que j'avais méconnue, et détruire dans ce coin du monde tout ce que j'y avais aimé. Vous avez vu leur ignoble faubourg avec ses murs de brique et ses abominables toits rouges, qui vient jeter jusque dans le désert la tristesse sordide, l'accent désespéré dont le cœur est glacé aux abords de nos villes ; vous avez vu ces larges avenues, qu'enfile le vent du désert et qu'embrase le soleil, et que des Italiens payés sept francs cinquante travaillèrent pendant des mois à border de trottoirs plus élégants qu'à Marseille ; vous avez vu l'Hôtel de ville, et cette extravagante cathé- drale décorée du haut en bas de sourates du Prophète, écrites en caractères couffiques qu'un architecte ignorant a prises pour de simples arabesques, et cette mosquée qu'ils ont bâtie pour attester contre moi la largeur de leur esprit, mais oii jamais un Arabe n'est venu faire sa prière.

Tel qu'il était, ce faubourg, ils l'aimaient. Ils l'aimaient, c'est naturel : ils y retrouvaient une image de leur misère natale. Ils en étaient fiers, c'était trop. Pour cette sinistre banlieue, un nom arabe leur semblait humiliant. Ben Nezouh ! Fils des Délices ! oui, mais des délices arabes !

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