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LA FÊTE ARABE 615

abreuvait l'oasis, un Lubrano qui l'empoisonnait encore de ses remèdes avariés, jouissent ici des droits que ne possède aucun Arabe, quels que soient ses titres, sa fortune et les services qu'il peut nous avoir rendus. Le dernier des voyous débarqué hier de Messine ou de Malaga peut injurier impunément un indigène qui s'est battu pour nous, les délicats artisans que vous avez connus, ou bien un riche commerçant qui expédie chaque année, à Marseille, plusieurs centaines de mille francs de dattes. Ce droit à la vie politique que nous accordons si libéralement à la plèbe de la Méditerranée, nous nous sommes appliqués à le rendre inaccessible à nos Musulmans d'Algérie. Nous exigeons de nos Arabes, s'ils veulent devenir des Français, qu'ils abdiquent la loi coranique, qu'ils renoncent à eux- mêmes, à leur religion, à leur âme, qu'ils deviennent des apostats, des m'tourni, des retournés, comme ils disent. Aussi ne voit-on se faire naturaliser que de grands chefs intrigants, dont le caractère maraboutique empêche de critiquer les actes. Eux-mêmes d'ailleurs, ils ont bien soin de cacher, s'ils le peuvent, à leurs coreligionnaires, cette véritable apostasie. J'en connais un, gros fonctionnaire, marabout vénéré, m'tourni depuis plus de quatorze ans, sans qu'aucun indigène en ait eu le moindre soupçon. Son secret ne fut découvert que le jour où un Kadi, dont il épousait la fille, força le renégat honteux à se marier sous notre loi, pour le contraindre de la sorte à répudier ses autres femmes. En dehors de ces grands chefs, on ne voit venir à nous que des gens méprisables, qui trouvent par là le moyen de se soustraire à nos lois répressives et à celles de leur reli- gion: ils peuvent alors boire de l'absinthe, se griser à leur aise, et se moquer des Européens dont ils sont devenus les égaux.

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