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600 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de palmiers faméliques autour des cubes de boue noirâtre que sont les maisons du désert ! Comment y a-t-il encore des hommes pour s'obstiner dans vos demeures ! Comment y trouvent-ils encore ce peu de joie, ce rien de bonheur, nécessaire pourtant à la vie ? Mais moi-même, après tout, n'ai-je pas vécu là de ces minutes qui font sentir dans toute sa force animale le simple bonheur que c'est de vivre. Sous ces petites palmeraies impressionnantes d'isolement et de résignation, j'ai connu le délice de se désaltérer à l'eau un peu terreuse qui coule dans la séguia, lorsqu'après le froid de la nuit, le soleil brûlant dés l'aurore met un goût de fièvre à la bouche et oblige à fermer les yeux ; le plaisir d'apaiser sa faim avec des dattes qu'on entrecoupe d'une gorgée de lait ; la douceur d'une pièce obscure après l'éblouissement de la lumière, et surtout j'ai fait l'épreuve de cette antique vertu que l'Europe a désapprise : l'accueil empressé de l'étranger, le respect religieux de l'hôte, la noble familiarité du désert.

A Laghouat, je quittai mon guide et mon mulet espagnols pour monter dans la diligence. Après avoir traversé tout un jour de mornes étendues violâtres, parse- mées d'alfa jaune paille, nous arrivâmes au soir tombant dans le pays des Dhayas, cette étrange région forestière qui barre de l'est à l'ouest, sur une largeur de quelques kilo- mètres, l'extrême sud de la Province d'Alger. On est ici dans le Bled el Ateuch^ le pays de la soif ; nombreux sont les tas de cailloux qui marquent, çà et là, la tombe de quelque voyageur égaré ; pas d'eau, pas de sources, pas de puits, pas de nappe souterraine ; si profondément que l'on creuse, toujours le sable et le rocher. Par quel miracle ont-ils poussé ces arbres magnifiques, ces betoums

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