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PORTRAIT DE JOACHIM DU BELLAY 521

l'élan, l'abandon que ressent Du Bellay auprès des grandes œuvres du passé. Comme elles le mettent joliment hors de lui ! Et non pas n'importe la- quelle. La difficulté à se satisfaire qui faisait son dédain, se retrouve dans son admiration. Il ne s'éprend que de l'exquis. Son amour est trop fier pour ne pas choisir, trop impatient pour souffrir de s'adresser ailleurs qu'au plus haut.

L'avidité qu'il faut pour s'emparer des choses nouvelles et les rendre siennes, c'est de quoi manque Du Bellay. Mais toute sa force est d'atta- chement. Il n'aime rien davantage que ce à quoi il tient déjà ; aucune nouveauté ne peut le con- duire à l'oubli de ce qu'il possède. La fidélité est en lui naturelle comme la noblesse ; il se fixe à son passé, il l'observe, il le garde. Le mouvement le plus aisé de sa pensée est le retour ; si on la laisse à elle-même, tout de suite elle se rappelle, elle regrette, elle s'occupe à " ramentevoir " les biens qu'elle a perdus.

Tousjours de la maison le doulx désir le poingt.

Comme une longue pensée qui toujours retourne à quelque endroit bien secret de la mémoire, c'est vers ses origines que spontanément sa vie s'oriente. Peut-être le platonisme de Du Bellay, en même temps que dépouillement de l'esprit, est-il amitié éperdue pour les biens dont la vie nous exile.

Ame ardente, railleuse, tendre et déroutée,

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