5o8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
poussée des tendances actuelles, et des poètes qui " tâchent à créer une musique neuve. "
Le souci d'observer le devenir des jeunes avec une scrupu- leuse méthode conduit les auteurs à faire dans leur préface une large part aux théoriciens. Mais le danger qu'il y avait à s'ap- pesantir sur les doctrines esthétiques, ils l'ont bien senti : " Le vers libre n'est point né de la théorie : c'est à force de tâtonne- ments et d'expériences qu'il s'est développé ; de sorte que nous voici en face de mille œuvres de beauté, qui nous induisent à les analyser théoriquement, et à examiner leurs moyens d'ex- pression. " C'est que chez nos poètes l'influence des doctrines sur la production n'est point comparable à ce qu'elle est en Allemagne : la création spontanée l'emporte chez eux sur la spéculation, malgré une prédilection passagère pour les considé- rations abstraites. L'influence germanique n'est d'ailleurs sans doute point étrangère A cet engouement.
Cette influence n'est qu'indiquée par O. et E. GrautofF, qui citent les noms de Nietzsche, Holz, Schlaf, Dehmel. Celle de Nietzsche au moins n'est pas douteuse. Il eût fallu la définir. Et de même il eût été intéressant de rechercher en des exemples précis, comment sous l'apport allemand notre langue s'est " assouplie, étendue, enrichie de nouvelles synthèses verbales ", comment ** se sont révélées de nouvelles possibilités d'expression pour les aspirations indéterminées et les cris désespérés du cœur. "
Ne faudrait-il pas dans ces apports faire une place — la première — aux écrivains anglais ? Et le renouvellement des moyens d'expression ne tient-il pas à un enrichissement de la sensibilité française sous l'influence germanique, plus qu'à des emprunts directs de langue à langue ?
Mais c'est trop demander d'une étude où l'on se proposait seulement de donner une idée d'ensemble d'un mouvement dont le public allemand n'a qu'une connaissance fragmentaire. Qu'elle soit faite avec autant de sympathie et d'autorité rachète
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