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LES ROMANS 47 ^

tionnel et presque fantastique n'est pour moi que l'essence même de la réalité, " Il y a un réalisme qui imite, et un réalisme qui crée.

�� ��Ce qui rebute, chez M. Louis Bertrand, c'est une froide accumulation, une profusion sèche, une exactitude sans imagi- nation. Car je ne puis nommer imagination, ni même faculté d'observation, cette opération quasiment réflexe, mécanique, infatigable, monotone, qui enregistre tout, et qui parvient à faire un gros volume d'un livre, en somme, assez pauvre de matière. Certains auteurs ne peuvent pas voir. Mais, s'il est une chose pire, dans l'oeuvre d'un romancier, que la pénurie d'observation, c'en est l'abus: c'est la y^/^/^' d'observation. Elle ne nous fait rien voir, elle ne nous apprend rien ; elle nous sépare de la vie, de la vérité, du pathétique. M. Louis Bertrand ne peut pas s'empêcher de voir et de décrire. Il ne laisse rien passer. Il ne sacrifie rien d'intermédiaire. Il ne nous fait grâce d'aucun détail. Cela tient de la manie, plus encore que du scru- pule. Quels que soient les états des personnages, rien ne varie, n'écourte ni n'étrangle la verve égale du peintre. Avec lui, par dessus de maigres dialogues et quelques analyses épisodiques, nous sautons de description en description. Le document submerge tout. Une longue promenade que fait Elie Jaubert avec Emmanuel (dans Vlnvasion) pour chercher du travail à travers les docks de Marseille, n'est que prétexte à descriptions. Les deux personnages n'ont, en cet instant, d'autre utilité que de se déplacer pour nous mettre en présence de certains spectacles. Un nouveau venu n'a point prononcé trois paroles qu'il est aussitôt portraituré, et non de quelques grands traits glissés dans le dialogue pour souligner le geste et l'attitude : un vrai portrait de bon photographe, où se peuvent compter les boutons du gilet et les poils de la moustache.

Or, ce goût du détail, cette minutie s'accordent mal avec les

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