Page:NRF 7.djvu/469

Cette page n’a pas encore été corrigée

LES POÈMES 463

comprendre que ces traits dépouillés, ces images nues, ces archaïsmes durs, ces inversions affectées, ne tirent leur gran- deur, leur beauté, leur noblesse que d'une juste appropriation au sujet ? qu'il fallait ce glas lourd et résigné des Stances à l'âme stoïque du poète sentant venir la vieillesse et la mort î que Moréas avait ses raisons à lui de prendre le ton d'un ancêtre et ce recul sous la voûte sombre du temps : il prétendait donner à sa voix et à sa leçon, plus d'autorité et de caractère ? Mais c'est folie d'entendre des voix jeunes entonner le chant de leur vie dans le ton même où s'acheva son chant d'adieu ! Ils auront beau piocher et pasticher Racine et Malherbe et Ronsard, voire, comme M. André Mary, Marot, Villon, Rutebœuf et le roman de la Rose, rêver d'une poésie de " culture " où n'appa- raîtrait pas moins leur connaissance des chefs-d'œuvre passés que leur émotion personnelle, ils ne parviendront pas à marier ces deux éléments ennemis, le langage d'hier avec la " parole naissante ".

Le Cantique de la Seine, ' sous son calme apparent, révèle à chaque page cette lutte. M. André Mary connaît et aime la nature : s'il se borne à chanter la Seine à la manière de M™® Deshoulières, c'est que cela lui plaît ainsi. Mais sans cesse une image juste, une notation topique, un tour rural vient trahir son don personnel. La Seine qu'il aime coulerait entre des rives moins égales, sous des ciels plus fins et plus nuancés, "plus français", s'il s'abandonnait à son chant. Mais non ! le maître " roide " l'a dompté : pour plaire au maître, l'art du disciple ne cessera plus d'osciller du lyrisme à l'exercice scolaire. Ce lyrisme est pourtant de qualité pure et modeste, tempéré de bon sens, aisé... Il perd sa fleur dès qu'il se guindé :

La matinée est douce et propice aux églogues : Les vieux saules noueux pareils à des pirogues Penchent leurs rameaux nus et leurs troncs évidés

■ Chez Emile Paul.

�� �