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LES POÈMES 461

Certes, à serrer de près le texte, nous serions amenés à dé- couvrir nombre de divergences entre nos vues et celle de M. de Souza, et telle des "scansions" qu'il nous propose se trouverait ne pas coïncider absolument avec celle que nous proposerions nous-mêmes. Contrairement aux prosodistes "visuels " qui font un sort à trop de syllabes muettes, il a, lui, tendance à en escamoter le plus possible, à nous priver ainsi de la ressource musicale qui naît de leur discret prolongement. Par suite, il sacrifie selon moi trop volontiers, l'importance du numérisme ; un anapeste a un autre élan (lu — ) un autre rj'thme qu'un iambe (u — ) : chez M. de Souza l'iambe règne despotiquement.

C'est là l'effet de la nouveauté de ses vues, de l'entraîner plus loin qu'il ne faudrait, dans sa juste réaction contre une métrique exclusivement syllabique... Du moins, un fait capital reste acquis et c'est à M. de Souza que reviendra l'honneur de l'avoir établi, c'est qu'il n'existe pas de vers français, ni moderne, ni ancien, ni le plus ancien, et le plus instinctif, ni le plus strictement assujetti aux " règles " classiques, qui ne tire son harmonie, sa justesse, son être même, du jeu savant des brèves et des longues, de la répartition plus ou moins variable des accents forts, en un mot, de l'emploi de 1' "unité rythmique". — Il est possible que l'alexandrin traditionnel se prête plus naturellement qu'un autre mètre au groupement harmonieux de ces unités ; mais sans elle, il est lettre morte, mesure neutre, matière informe. A la lumière de cette découverte, il serait curieux d'étudier un jour le rythme dans les chefs-d'œuvre du passé. On serait stupéfait de la science infaillible déployée par un La Fontaine, par un Racine, dans l'accentuation : pas une faiblesse, pas un trou ; jamais le rythme intérieur ne porte à faux sur une muette. Il y aurait toute une prosodie à con- struire, selon ces exemples parfaits, neuve et organique, indé- pendante des règles. Mais l'instinct en tient lieu chez le vrai poète, auquel nous avons seul égard.

Qu'on ne s'y trompe pas, si notre point de vue rythmique

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