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LA LITTÉRATURE 45 1

d'essence. De là l'efFort (dans la mesure d'effort que comporte une spontanéité peut-être trop habile) de M. de Régnier pour multiplier en une nature, en un jeu indéfini d'illusions, cette essence mallarméenne. De là enfin l'effort du vers mal dit " libre " pour briser, ce qui était nécessaire, sous la poussée d'un rythme natif et frais, d'une parole élémentaire, les cadres consacrés du mètre.

Efforts non point anarchiques, mais convergents : ce net- toyage de l'instrument poétique reste le legs indiscutable du symbolisme. Comment M. Barre peut-il écrire que " tout bien examiné, Verlaine ne va guère plus loin que Molière et La Fontaine l " Il en donne des raisons bien singulières : " Le vers libéré, dit-il, n'a qu'un mérite, celui d'avoir rénové les mètres impairs. En un certain sens, l'usage classique parait bien ici avoir donné des indications précises. Les alexandrins à rime féminine n'ont-ils pas treize pieds, tandis que les mêmes vers à rime masculine n'en comptent que douze ? " Swift vit un jour sur une baraque de foire, qu'elle contenait l'éléphant le plus grand du monde, à l'exception toutefois de lui-même. L'alexan- drin, de douze syllabes, serait pareillement notre vers le plus long, à l'exception de lui-même, quand il en paraît treize. Mais un vers français, fût-il régulier, ne se résoud plus aujourd'hui en un décompte de syllabes. La syllabe métrique d'une rime féminine est un tout accentuel indivisible, et sa raison d'être c'est qu'elle renforce nécessairement l'accent à la rime, à sup- poser qu'elle soit réellement et non pas visuellement féminine (et encore, il y a là une question de prononciation dans laquelle je ne puis entrer).

Sur le vers libre, la conclusion de M. Barre est qu'il ne pourra jamais trouver le chemin de l'oreille populaire. " Le poète, écrit-il justement, doit flatter avec ses vers une habitude anccstrale. " Qui a dit le contraire ? Un bon poète, chez nous, retrouve, sous la convention de mètres usuels ou usés ce que M. de Souza, dans son livre du Rythme en Français, que devrait

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