Page:NRF 7.djvu/455

Cette page n’a pas encore été corrigée

LA LITTÉRATURE 449

ment neufs. Ils découvraient l'Inconscient ; ils le proclamaient objet de poésie. Ils arrachaient l'homme à la terre et le jetaient en pleine métaphysique. " On voit ici que M. Barre a lu attentivement les écrits théoriques des poètes qu'il étudie, — les cahiers de leurs aspirations, — et bien moins leur œuvre poétique, c'est-à-dire le résultat net. A moins qu'en bon voltairien, il ne considère ce qui se comprend mal comme un équivalent de la métaphysique... Disons, à sa décharge, que des critiques se sont unis à ces poètes pour nous duper. " La vérité nouvelle, écrivait M. Remy de Gourmont, entrée dans l'art avec le symbolisme, est celle de l'idéalité du monde, " idéalité étant pris ici au sens philosophique. Pour moi, je suis au contraire frappé du peu que pèse la poésie symboliste en- visagée non pas précisément du point de vue des " idées ", cher à M. Faguet, mais de ce point de vue qui nous fait connaître comme un milieu de vérité transcendante le son purifié de la parole humaine. Le symbolisme a vécu sur une matière de sentiment et de pensée qui est presque toute dans Baudelaire. Aucune de nos périodes poétiques n'a compté plus de poètes purement verbaux, et qui l'ont su, et qui en ont souffert. La stérilité relative de Mallarmé vient de ce qu'il ne trouva quoi chanter, et ce qu'il chanta ce fut précisément ce manque, ce défaut d'être. Derrière les éblouissants rideaux de mots qu'avec une fragilité ovidienne tissa M. Henri de Régnier, sentez-vous une profondeur ? Et quant à Moréas, le Vigny du XX^ siècle...

Bien au contraire, il faudrait chercher l'originalité du symbo- lisme dans la voie opposée: elle fut de creuser, à la pointe d'une poésie raffinée, davantage vers le monde intérieur, de révéler le poète, l'homme, plus simples, plus nus, avec moins d'apprêt qu'on ne l'avait fait dans la grandiloquence romantique ou dans le décor parnassien. Là est ce qui sépare Laforgue de SuUy-Prudhomme, Verlaine de Baudelaire, ce qui prédestinait celui-là à devenir notre grand poète chrétien. Là est ce qui

�� �