Page:NRF 7.djvu/442

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’en étais là de mes pensées, quand m’apparut soudain, surgi de l’ombre du soir, le bizarre petit personnage que j’avais vu en arrivant gesticuler derrière Mammo, et que le coup de pied de son maître avait fait si lestement disparaître à ma vue.

Il se tenait immobile à quelque distance de moi, son troupeau de cochons noirs derrière lui, un pied nu, l’autre chaussé d’une bottine à élastiques, — évidemment la sœur de celle qu’il avait perdue dans la salle à manger, — et sur les lèvres, ce même sourire grimaçant dont la signification continuait de m’échapper.

— Tu me reconnais donc pas ? finit-il par me dire dans un langage impossible, que je ne comprenais qu’à peine et que j’aurais plus de peine encore à essayer de reproduire. Je suis El Malti ! El Malti !

Et il recommençait de sourire, comme si ce mot eût été un talisman qui devait m’inonder de lumière.

Alors seulement, je me souvins du pauvre petit Arabe qui, durant mon premier séjour, m’apportait chez Mammo le déjeûner du matin, me cirait mes chaussures et m’avait guidé autrefois à la maison du Docteur.

La reconnaissance était faite. Nous nous mîmes à essayer de nous comprendre tous les deux. Ce pauvre garçon minable, tout couvert de la même crasse que le petit troupeau de porcs attaché à ses pas et qui, enhardi peu à peu formait le cercle autour de nous, c’était vraiment la première impression agréable que je trouvais à Ben Nezouh.

À travers son charabia, je finis par démêler que le Docteur avait quitté depuis cinq ou six ans l’oasis, et qu’il vivait chez des Nomades dans une tribu qui campait aux alentours de Guerrara.