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LA FÊTE ARABE 435

persans, apparaissent au voyageur les cités disparues. C'est la ville de cuivre ou bien de pierreries, dont les remparts brillent de mille feux et aveuglent qui les contemple. C'est Menzah et Sohoud perdues au cœur des dunes, au plus profond des sables, dont personne ne connaît plus les chemins et sur lesquels tombe un jour quelque caravane égarée... La Ben Nezouh que j'avais devant moi, la Ben Nezouh du Khalife, semblait avoir subi le sort de ces villes légendaires. Il semblait qu'elle ne reprit de vie qu'à l'heure crépusculaire du rêve, comme si c'était ici la légende qui imposât ses lois à la réalité, ou la fatalité qui voulût qu'une ville au bord du désert ne fiit jamais qu'un mirage.

Cette vision ne dura qu'un instant. Tout s'abolit, s'évanouit dans le rapide crépuscule qui précède la nuit. Une même ombre verte confondit toutes choses. Des tin- tements de cloches, une sonnerie de clairon et les braie- ments d'un âne me rappellèrent à la réalité, vers laquelle je m'acheminais à pas lents, pour retarder le plus long- temps possible le moment où j'allais me retrouver dans cet affreux bourg d'Europe face à face avec Mammo. Et tout en marchant, je pensais : dans ces villes des Mille et Une Nuits, comme tout à l'heure m'apparaissait Ben Nezouh, habite toujours une humanité figée dans son dernier sommeil. Les gens sont là depuis des siècles tels que la mort les a pris. Ah ! si du moins la ressemblance de cette Ben Nezouh trop réelle, dans laquelle je vais entrer, avec les villes de légende pouvait aller jusqu'au bout, si les habitants qui la peuplent pouvaient être eux aussi figés dans un sommeil éternel ! Et si, revenant à l'hôtel, je n'avais qu'à toucher Benvenuto Mammo pour qu'il tombât en poussière !...

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