LA FÊTE ARABE 433
désir ; les guêpiers à la gorge bleue et aux ailes bronzées ne s'abattaient plus là par milliers, ni les aimables bou-béchirs qui annonçaient au Khalife ma venue. Dans ces aridités, la pensée se desséchait, se durcissait comme ces fruits eux- mêmes; l'esprit n'était plus entraîné sous une douce nuit verte à des rêveries colorées de cette tristesse apaisante, qui fait paraître l'existence peu de chose et la mort moins encore ; et au lieu d'une mélancolie voluptueuse, je ne ressentais plus à cette heure que ce que la vie porte en elle de sec, de dur et d'implacable.
Il pouvait être six heures du soir. Je me souvins alors du lointain vendredi où, à une heure pareille, j'avais gagné le cimetière arabe en m'orientant sur la coupole d'une blanche Kouba. La Kouba était toujours là-haut, sur sa colline. Je me dirigeai vers elle.
O charmant vendredi ! O souvenir lointain! Des femmes dans leurs voiles de fête, accroupies sur les pierres ou sur les petits tertres, bavardaient en prenant une légère colla- tion ; leurs rires, leurs bracelets et le bruit de leurs voix jetaient dans ce champ du repos une animation imprévue. La vie et la mort voisinaient là dans une familiarité gracieuse, comme si rien ne pouvait être plus agréable aux défunts que le bavardage de ces femmes et de parti- ciper encore aux potins du village.
Tout cela, je me le rappelais avec autant de netteté que si de nombreuses années ne s'étaient pas écoulées. Mais la mémoire conserve ce que le temps détruit. La Kouba servait, ce soir, de refuge à de petits Siciliens qui gardaient un troupeau de chèvres en jouant de l'accordéon. Les bêtes gambadaient au milieu des tertres et des pierres où un ciseau primitif avait tracé quelque signe religieux
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