42 8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
décapités, coupoles à-demi effondrées, où des débris de verre et de faïences jetaient des reflets étincelants.
Je retrouvai la place où m'avait déposé la diligence autrefois et d'où j'étais reparti dans le bruit de la fête et des brillants cortèges. La rhaïta et le bendir planaient encore dans ma mémoire au-dessus de son silence, mais plus rien ne l'animait que l'ombre mouvante des vautours qui tournoyaient dans le ciel. Tout près de là, était la ruelle qu'habitait jadis le docteur. Je retrouvai sa maison, je montai sur sa terrasse. Le trou où je m'étais penché, et qui donnait son jour à la cuisine, s'était prodigieusement élargi ; la mystérieuse chambre n'était plus qu'une cave à ciel ouvert, d'où s'étaient envolées, avec l'ombre et les d€mi-ténèbres, les fées brillantes qui la peuplaient autre- fois. Je restai là, devant ce trou, stupidc, anéanti. Les souvenirs se pressaient dans ma mémoire ; les rêves du Khalife me revenaient à l'esprit avec une précision angoissante, comme s'ils étaient demeurés sur cette ter- rasse à m'attendre, comme s'ils montaient indéfiniment de ce trou noir, où jadis les petits fourneaux de braise jetaient sous les éventails de légères étincelles, en laissant s'exhaler dans l'air une fumée de bois odorant.
Ah ! que n'aurais-je pas donné pour avoir en ce mo- ment le Khalife près de moi, et apprendre de lui ce qui s'était passé ! Partout je voyais la trace de ses rêves réalisés, de son action bienfaisante, et du même coup la ruine de ce qu'il avait édifié. Comment s'expliquer ce silence, cette désolation, ces ravages ? Comment une destruction si complète avait-elle pu ainsi s'accomplir dans un temps si rapide, sans que personne parût s'en être étonné ? Et ce qui m'étreignait le coeur, ce n'était plus seulement la
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