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420 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

patache archaïque, déjà remplie d'indigènes. Je pris plus prosaïquement un de ces petits chemins de fer algériens, bien connus pour leur lenteur ; mais les souvenirs de mon premier voyage restaient si présents à mon esprit que le train me parut courir avec une rapidité folle dans les gorges des montagnes et puis sur les hauts plateaux, que j'avais traversés jadis au trot menu de six pauvres hari- delles. Le ciel était bas et presque froid. Des nuages venus du Nord se précipitaient vers les fournaises du Sud qu'avait déjà touché le premier frisson de l'hiver. De loin en loin, une petite gare lamentablement triste avec son jardinet flétri, la tunique noire du chef de station, les pantalons et les tricots des hommes d'équipe indigènes, et les ballots d'alfa empilés au bord de la voie. Dans ces vastes espaces, où j'avais rencontré une caravane en marche, un douar, de pauvres tentes autour desquelles pâturaient des chevaux et des chèvres, je ne voyais plus maintenant que de tristes villages, couverts de tuiles rouges, grouillants de marmots espagnols aux tignasses crépues. A côté de ces agglo- mérations, dont la seule vue serrait le coeur, de misérables gourbis, des cabanes de roseaux, où de petits arabes pres- que nus rappelaient par leur maigreur les horribles spec- tacles de la famine aux Indes. Cette misère ainsi fixée n'avait rien de la pauvreté pastorale et quasi biblique que j'avais vue autrefois. Sous la tente, dans le douar, dans la caravane en marche, on sentait cette allégresse qu'ont les êtres parfaitement libres et maîtres de leurs mouve- ments. Plus qu'aux autres hommes, aux Nomades la nature semble appartenir, et de là vient sans doute le regret nostalgique qu'ils éveillent au cœur de qui les voit passer... Qu'était donc devenue cette population

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