LA FÊTE ARABE 4OI
le mur par un mince canal, va toucher chaque plante, la caresse un instant, répand dans chaque enclos sa fraîcheur et son bruit, et puis soudain le quitte. Une main inconnue vient de fermer la porte qui lui donnait accès, et Teau parcimonieuse a pris sa course ailleurs vers un autre verger. Ainsi de mur en mur, de jardin en jardin, elle glisse en tous lieux à travers Toasis. Partout on la ren- contre, diligente et pressée, tantôt dans un sentier, bril- lante de lumière, tantôt sous les ombrages et ne se révé- lant qu'à son bruit. Et rien comme cette eau, dans ces jardins de sable, ne donne une pareille idée de richesse et d'économie, de stérilité et d'abondance. Les plaines for- tunées de Beauce semblent moins riches que cette fraîche oasis ; le Limousin tout bruissant de sources, moins mouillé que cette terre qu'un mince filet d'eau arrose ; et nulle forêt n'est plus profonde que ce bouquet d'arbres au désert. Sous cette verte lumière, dans cette humidité chaude le corps s'abandonne et glisse à une active langueur. Une ingrate pitié vous saisit pour les malheureux exilés d'une si voluptueuse nature, un besoin de nommer ici tous ceux qu'on a aimés ailleurs. Pour qui a été fait ce bouquet ? Pour qui roucoulent ces toiuT:erelles ? Pour quelles amours sont suspendues ces grenades entr 'ouvertes, et ces grappes de raisin noir, et ces dattes d'un jaune éclatant qui sortent du cœur des palmiers ? On est une âme qui se défait, les pensées sont des fruits qui tombent, des gouttes d'eau qui s'égouttent, un chapelet qui se détache, un collier qui se dénoue...
Quand je rentrai dans le village, les marchands réveillés distribuaient des denrées, dont je ne précisais ni le nom
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