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LA FÊTE ARABE 397

Steppe interminable, où l'esprit n'a pour se distraire et rêver que les jeux de la lumière sur des cimes lointaines, le bordj où l'on s'arrête poxir changer l'attelage, quelques tentes noires au ras du sol, la caravane qui chemine avec ses chameaux goudronnés, ses ânes minuscules et ses petits chevaux, et toujours l'obsédante idée que, s'il y avait mille ans on était passé là, rien n'eût été changé à ce pays de rochers et de cendre, ni à cette vie primitive qui le tra- verse sans bruit.

Tout à coup, cinq notes rustiques retentirent dans la nuit, cinq pauvres notes, toujours les mêmes, qui sortaient d'une flûte de roseau. Après tant d'années écoulées, ces cinq notes vibrantes, il me semble les entendre encore comme si j'étais toujours là-bas, sur cette piste du Sud, ou comme si elles résonnaient près de moi. Autour de nous, luisaient faiblement sous la lune ces nappes de sel des- séchées qui annoncent le désert ; le vent chaud nous apportait un parfum d'herbes mêlées ; on sentait déjà sur les lèvres la même sorte d'amertume qu'y laisse l'air marin et, dans les yeux, la légère brûlure du sable. Comment ces cinq notes barbares, qui s'arrêtaient brusquement pour se répéter ensuite et recommencer encore, ravissaient-elles ainsi cet Arabe inconnu, comme elles avaient ravi sans doute des milliers d'hommes avant lui r Pourquoi me trou- blaient-elles à mon tour, moi d'un autre pays, d'une âme différente ? Peut-être y avait-il dans cette phrase éternel- lement suspendue, dans cette passion qui se brise, tout le secret de l'Islam, l'infini du désir et la soumission au destin, et pour moi, voyageur, l'avertissement mystérieux que la beauté vers laquelle mon désir s'élançait me serait toujours étrangère.

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