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Regnard, de tempérament voyageur, se consola en partant pour la Laponie.

Voilà donc de douloureux instants de vie marquée des coups ironiques de la destinée, et dont Regnard gardait dans sa maison du faubourg de Richelieu au bas de Montmartre un précis témoignage exposé publiquement : la chaîne même dont il avait été enchaîné. Et peut-être avait-il au fond de quelque meuble le portrait de la belle Provençale. Dans le livre, il n’est rien de triste qu’à la réflexion. Nous avons changé la méthode. Nous faisons brusquement de nos frères en humanité nos confidents et nos confesseurs. Cela eût semblé indécent à Regnard qui n’était cependant point homme austère et réservé, mais type jovial de riche fonctionnaire bon vivant.

Plus que des mémoires de captivité c’est une histoire d’amour que la Provençale. Mais la captivité demeure un décor à effets et un moyen de péripéties. Si j’étais à Cagliari, je regretterais de ne pas avoir emporté mon exemplaire de Regnard, car j’y découvre ces phrases qui m’enchantent ici, qui m’enchanteraient peut-être moins là-bas :

Le vaisseau avait passé les îles de Corse et de Sardaigne quand celui qui faisait le quart aperçut deux voiles qui portaient le cap sur le bâtiment anglais. Il n’y a point de lieu où l’on vive avec plus de défiance que sur la mer : la rencontre d’un navire n’est guère moins à craindre qu’un écueil.